« Padurea Tenebroasa » (du roumain, « forêt des ombres ») est le premier tome de l’Effet Combattant, une saga Jeunes Adultes d’anticipation de Shiri Ubar. Il ne s’agit pas de n’importe quel livre que j’aurais pu acheter en librairie, mais d’un livre auto-édité à la suite d’une campagne sur Ulule à laquelle j’ai rapidement décidé de participer à l’époque, conquise par ce projet.
Le tome 1 de l’Effet Combattant est disponible en format ebook sur la boutique Amazon Kindle et en format papier (de toute beauté, si vous voulez mon avis), et en version ebook dans les boutiques Kobo Fnac et Apple Books .
10 ans, presque une éternité
Dotée d’un talent bouillonnant de storyteller, Shiri Ubar est également l’une de mes plus vieilles amies et écrit depuis toujours. Cette capacité à créer un univers original et les personnages qui le peuplent, elle y travaille depuis 10 ans. Dans le métro, c’est cette petite brune au nez collé sur son portable. Non pas celle qui joue à Candy Crush, celle juste à côté, qui peaufine son prochain roman avec application… 😏
L’univers de l’Effet Combattant est issu d’une longue construction grain de sable par grain de sable au fil des ans. Et cela concerne aussi bien l’histoire que les personnages ou le contexte géopolitique bien chiadé comme je les aime ! Padurea Tenebroasa est le premier d’une longue série et représente pas loin de 10 ans de réflexion et d’écriture, de la création du contexte originel à l’ultime relecture.
Son premier roman bouclé, direction Ulule (zou !) pour une campagne de financement menée à son terme avec un beau 109% !
Un contexte aux petits oignons
J’ai 16 ans quand ils viennent nous chercher. Nous ignorons qui ils sont et d’où ils viennent, mais ils ont des projets. Ils cherchent à conduire des expériences génétiques sur nous afin de faire de nous des super-soldats. Des monstres. Issus du laboratoire secret d’une organisation tout aussi secrète. Mais une chose est sûre : ils ne pourront pas m’atteindre. Ils ne réussiront pas à me briser. Je ne suis pas seul. Et à partir de maintenant, je vais tout faire pour survivre. Je n’ai plus peur d’avoir peur.
L’Effet Combattant débute en Roumanie en 2061, un futur par si lointain que ça. On apprend assez rapidement qu’une guerre bactériologique a changé la face du monde en 2026, modifiant l’environnement et les Hommes…
Les éléments arrivent tardivement, au fur et à mesure que progressent l’histoire et la quête d’informations de Bogdan. J’ai vraiment apprécié qu’on ne me jette pas à la face l’ensemble des infos dès les premiers chapitres. Ça a affuté ma curiosité, et ça m’a en même temps permis d’apprécier chaque nouvelle information. L’auteur évite ainsi un travers courant dans les univers inventés: trop d’éléments inventés cumulés et une narration « brutale » pour le lecteur qui essaie d’y entrer… Cependant, la frustration s’est faite ressentir à certains moments où j’aurais voulu en savoir plus dans la minute… 😅
Angoisse level 999
Dès les premières pages de l’Effet Combattant, l’auteur nous montre le quotidien de Bogdan plus que le réel contexte de 2061. On y découvre ainsi sa famille, ses frères / soeurs, quelques contes et légendes… bref, la routine en fait. Sur le coup, j’étais un peu sonnée par la déferlante de personnages en une seule fois. Mais tous ces visages, tous ces détails ont au final servi à marquer la rupture entre ce quotidien en famille et… la suite.
Ces présentations un peu forcées s’interrompent brièvement lorsque des étrangers arrivent au village. Elles reprennent de plus belle avec l’introduction de BEAUCOUP d’autres adolescents venus d’un peu partout. Nouveau sentiment de submersion, car vraiment j’ai eu beaucoup de mal à retenir qui était qui, qui venait d’où et qui était blessé ou non… mais fort heureusement, Shiri a su éviter les écueils sur lesquels d’autres se sont vautrés en beauté. et a développé suffisamment chaque personnages supplémentaire pour qu’ils finissent par devenir familiers.
Au fur et à mesure que l’on avance, on comprend la logique de cette profusion de noms et de visages. Jusqu’à finalement tendre dramatiquement vers un nombre toujours plus restreint de protagonistes… et c’était bien joué. J’ai souvent reniflé devant ma liseuse, voire même pleuré en pensant – à tort ou non – qu’Untel était mort. C’était cruel mais vraiment bien joué en termes de puissance dramatique !
Globalement, l’écriture est fluide et connaît de très belles envolées. C’est tour à tour poignant, intriguant et angoissant ; on n’a clairement pas le temps de s’ennuyer et c’est précisément ce que j’attends d’un livre.
Bogdan, ou la manière douce de me réconcilier avec des protagonistes « ados »
Parlons vrai de la bouche de suite : à la base, je ne suis pas forcément très cliente de romans dont le personnage principal est un(e) adolescent(e). J’ai été déçue par des protagonistes mal écrits, tantôt trop mâtures pour que ce soit crédible, tantôt trop pleurnichard(e)s parce que hey surprise, ce sont des ados en fait !
Bogdan a 16 ans nous accompagne au long des 426 pages de ce roman d’apprentissage. J’ai été assez contente de trouver un narrateur masculin, là où pullulent ordinairement des narrateurs féminins en littérature Jeunes Adultes. Je n’ai pas eu de mal à m’identifier à Bogdan malgré son jeune âge et la différence de sexe. Brisons les clichés : si le personnage est cohérent de bout en bout et bien écrit, ses combats intérieurs autant que ses émotions seront les vôtres.
La palette des émotions de Bogdan (peur, indécision, désespoir, vulnérabilité…) démontre le talent de l’auteur pour choisir le mot juste. Bogdan n’a clairement pas les épaules d’un héros qui sait tout et a toujours raison. Il est tout autant – si ce n’est plus – vulnérable que ses petits camarades captifs. Dans ce contexte, qui se sentira capable de réagir mieux que Bogdan face à des situations dérangeantes ? Clairement : pas moi.
J’ai trouvé quelque chose de très vrai dans sa manière d’affronter les choses. Il n’est pas Superman, il n’est ni plus fort, ni meilleur que les autres… Au final, c’est juste un ado qui fait de son mieux pour survivre et protéger les siens en essayant de faire les choix les moins mauvais. À une époque où chaque personnage de film / série / livre a un peu trop souvent une particularité extraordinaire, suivre un personnage vulnérable et tout ce qu’il y a de plus normal, c’est sacrément rafraîchissant, bordel ! J’ai vraiment beaucoup aimé la profonde normalité de Bogdan.
Au fil des pages, on assiste à l’évolution de Bogdan ainsi qu’à sa compréhension progressive d’enjeux qui le dépassent, qui dépassent sa bande de combattants nouvellement formée, mais avec lesquels il sera bien obligé de composer, pour le meilleur comme pour le pire.
Une myriade de personnages
Les thèmes abordés – la mort, la maladie, la torture, les expériences génétiques… – sont particulièrement durs. Malgré tout, ce premier tome est une ode à l’amitié suffisamment puissante pour permettre aux personnages de garder le cap dans la tempête. Chacun d’entre eux possède son propre caractère identifiable même jusque dans la manière de s’exprimer. Au final, ce sont les différences et particularités de chacun des membres de cette bande d’ados qui fait au final leur force… Même si certains se sentent profondément insignifiants en se comparant aux autres.
Les descriptions précises et réalises m’ont maintes fois embarquée dans le quotidien de cette bande. J’étais tantôt inquiète pour eux, tantôt révoltée par la situation ou peinée par les conflits – un peu trop, dans certains cas. Mais c’était le jeu et clairement l’écriture m’a embarquée dans ce complexe perdu au milieu de nulle part. J’étais littéralement enfermée avec eux.
Vous en voulez plus ?
Pour prolonger l’expérience de l’Effet Combattant ou – au contraire – en avoir un petit aperçu de l’univers de l’auteur avant de vous décider à sauter le pas, n’hésitez pas à prêter une oreille aux différentes playlists composées par Shiri pour illustrer son univers via Spotify ou à visiter son site internet.