Mon amour des séries policières n’a pas de limite, et il n’y avait statistiquement que très peu de chance que je passe à côté de Crossing Lines ! Créée par Edward Allen Bernero (New York 911, Criminal Minds…) et Rola Bauer (Painkiller Jane, the Pillar of the Earth…), et réalisée par Daniel Percival, Crossing Lines est une série policière mettant en scène une équipe chargée de résoudre des crimes transfrontaliers sur tout le territoire européen.
Il y avait un moment qu’une co-production de ce type n’avait pas attiré mon attention : pas beaucoup de promo de notre côté de l’Atlantique, des teasers made in TF1 pas spécialement bien montés, Marc Lavoine, une énième série policière alors que nos grilles de programmes en sont saturées… Tout était là pour que je loupe cette série. Mais ça, c’était avait de voir que le casting incluait William Fichtner (Entourage, Invasion, the Homesman…) et Donald Sutherland (M.A.S.H., Dirty Sexy Money, Hunger Games… et tant d’autres !).
Dans les faits, c’est un peu plus complexe parce que Crossing Lines – en plus d’être une co-production à la fois américaine, allemande, italienne et française – est une sorte d’hybride d’un peu toutes les séries que l’on connaît, avec un squelette narratif typique des séries procédurières américaines, une grosse tartine de Criminal Minds, un soupçon de série policière britannique à la Sherlock ou Luther et… beaucoup de freestyle.
Bon, ça parle de quoi ton truc ?
L’histoire est simplissime et met en scène une équipe composée des meilleurs des meilleurs policiers européens. L’équipe mandatée par le Tribunal pénal international a à peu près tous les pouvoirs pour peu qu’elle obtienne les autorisations nécessaires (tout se met en place dans les premiers épisodes, et il y a quelques ratés). Quelques intrigues secondaires viennent se mêler à l’enquête à résoudre dans chaque épisode et il sera régulièrement question d’éléments liés au passé de certains des membres de l’équipe. La trame de la série n’a rien de vraiment novateur, en dehors de la grandeur de leur terrain de jeu – l’Europe toute entière.
Criminal Minds : Europe
La comparaison n’est pas innocente, puisque Edward Allen Bernero – le créateur de Crossing Lines – est également le producteur de Criminal Minds, une série centrée sur une équipe de profilers chargée d’enquêter sur les crimes les plus odieux aux Etats-Unis. Là concrètement, Crossing Lines reprend la même recette: l’équipe est constituée de spécialistes, peut supplanter toutes les polices locales, pourchasse des serial killers qui ont la bougeotte… Mais la comparaison s’arrête là, parce que les deux séries ont chacune leur identité.
Dans le cas de Crossing Lines, l’accent est mis sur la diversité, avec des spécialistes dans des domaines bien précis qui viennent des quatre coins de l’Europe (enfin pas de trop loin non plus, hein…), avec une italienne experte des opérations secrètes et de l’anti-mafia en Italie, un allemand expert en informatique, un irlandais expert en armement et tactics et une française experte en crime et contrebande. A cette joyeuse compagnie s’ajoute également un ancien flic américain lourdement handicapé d’une main mais capable d’analyser tout un tas de choses (données, comportement…) à une vitesse incroyable et un chef d’équipe qui n’a pas d’autre talent que celui d’être chef d’équipe. Chaque membre de l’équipe est unique et affecté par ses problèmes personnels qui interfèrent ou menacent d’interférer avec les enquêtes en cours. Malgré tout et de manière assez prévisible, les personnages se complètent plutôt bien les uns les autres.
L’équipe est également appuyée par le super guest-star Donald Sutherland, qui en plus de faire office de figure paternelle dispensant avec parcimonie bons conseils et mantras, incarne un juge du Tribunal pénal international chargé de délivrer les autorisations d’intervention et qui est plus ou moins à l’origine de la création de l’équipe d’enquêteurs transfrontaliers. On fera donc d’emblée abstraction du fait que ce Tribunal n’a aucune autorité pour accréditer une quelconque équipe d’enquêteurs qui supplanterait les polices nationales des états européens.
Des imperfections à la pelle
Qu’il s’agisse des erreurs de montage entraînant des disparitions / déplacements d’objets ou de la mauvaise gestion du rythme dans les épisodes autant que sur la saison entière, Crossing Lines remplit les objectifs qui lui étaient fixés. Chaque nouvelle enquête apporte son lot de questions et d’interrogations concernant les affaires en cours, et permet également d’en apprendre un peu plus sur les membres de l’équipe et de toucher très légèrement du doigt les problèmes administratifs générés par l’existence d’une équipe de policiers capable de supplanter les polices nationales. Si les bons points ont l’air de parfaitement contrebalancer les maladresses, la série souffre néanmoins de la plupart des défauts propres aux fictions françaises, avec cet esprit de camaraderie entre les membres de l’équipe qu’on ne s’explique pas et qui semble pour le coup un peu artificiel: tout le monde semble connaître tout le monde de longue date alors que l’équipe se constitue tout spécialement au cours de l’épisode pilote. Ou encore la focalisation de l’attention sur les personnages “principaux”, à savoir le chef d’équipe Louis Daniel (incarné par Marc Lavoine) et Carlton Hickman (incarné par William Fichtner), alors que les personnages secondaires semblent n’être approfondis que pour les besoins express d’une enquête.
Les clichés ont également la vie dure, avec une mosaïque de préjugés liés aux origines des personnages: l’irlandais a toujours une fiole de Whisky sur lui et a un nom en Mac-quelque chose (McConnel), l’italienne a le sang chaud, l’américain est assez bourru et a un sale caractère, le français a un accent anglais vraiment horrible – les scénaristes auraient sans doute pu lui faire porter un béret et manger du camembert tartiné sur une baguette si personne ne les en avait dissuadés – et l’allemand… s’en sort drôlement bien, en fait ! Sur le coup, on se dit que c’est sans doute une très mauvaise blague et que tous ces personnages vont mourir à la fin du pilote pour laisser place à de VRAIS personnages… mais en fait non. Il faudra attendre l’épisode 3 (le pilote étant un double épisode de près d’1h30) pour que les caricatures laissent place à des personnages plausibles. Côté “méchants”, on les reconnaît bien souvent au premier coup d’oeil, ou parce qu’ils sont moches ou parce qu’ils sont patibulaires et blindés de cicatrices.
Le mot de la fin
Il y avait de quoi faire une série vraiment géniale avec les éléments de base de Crossing Lines, rien qu’en exploitant le principe des flics issus de différentes cultures et utilisant différentes méthodes de travail; il y aurait eu de quoi développer sur la manière dont ils apprennent à travailler ensemble. Au final, Crossing Lines se contente de faire le minimum sur le sujet et se concentre simplement sur des enquêtes basiques en utilisant les personnages davantage comme des pions que comme des vecteurs d’éléments et d’interrogations intéressantes. Malgré tout, même si les enquêtes sont loin d’être difficiles à résoudre depuis notre canapé, on se laisse prendre dans l’action bien volontiers et on s’attache à ces personnages – aussi caricaturaux soient-ils. La série apporte ce qu’on attend d’elle – un divertissement – mais reste une resucée de série américaine déguisée en série européenne pour faire plus exotique. De fait, si vous souhaitez voir quelque chose de vraiment novateur, franchement ? Passez votre chemin.
Article originellement publié (un peu différemment) sur britishg3eks.net .