Remember Me est le premier né du studio français Dontnod Entertainement, publié par Capcom et sorti sur PC & consoles en juin 2013, après 5 ans de développement. Si j’ai un peu loupé sa sortie au départ, j’ai rapidement pu rattraper mon retard et – comme beaucoup – plonger dans ce univers savamment bâti. C’est parti pour le test du jeu !
Premier contact [ presque manqué] avec Remember Me
Pour une fois, les suggestions d’achat d’Amazon ont plutôt bien rempli leur rôle et ont attiré de suite mon attention sur Remember Me au moment où le jeu n’était qu’en pré-commande. Coup de coeur presque immédiat sur les visuels de la jaquette (c’est très bête à dire, mais ça joue quand même énormément), l’histoire à peine esquissée, le trailer, la musique… petite appréhension sur le système de combat, mais tout était là pour me convaincre.
Là où en revanche, tout a failli s’arrêter très rapidement, c’est lorsque au lieu de pré-commander, j’ai naïvement imaginé que la promo autour du jeu démarrerait en grande pompe un peu avant sa sortie pour me laisser le temps de le commander. Et en fait… rien, la promo a été très discrète. Au moins autant que l’arrivée du jeu en magasin, puisqu’il m’aura fallu attendre 5 semaines et tenter 4 enseignes spécialisées différentes – sans succès – avant de pouvoir mettre la main dessus grâce à Amazon et à une petite invocation de Cthulhu.
Un univers ciselé aux petits oignons
L’univers m’a littéralement embarquée parce que tout était là pour qu’il soit crédible, à la fois en tant qu’univers futuriste et en tant que futur plausible. Cette base crédible a permis ensuite à Alain Damasio, Stéphane Beauverger et une équipe de 7 auteurs / scénaristes d’aborder des thèmes forts et de créer une héroïne qui se reconstruisait en rassemblant les morceaux de son passé. Et comment résister à des influences comme Blade Runner / Total Recall (Philip K. Dick), ou encore – plus balèze ! – des références à Bentham et Foucault, le tout saupoudré d’une petite pincée de transhumanisme ? J’ai foncé tête baissée.
Avec une action qui se déroule dans le Paris de 2084, Remember Me reste très actuel de par les thèmes qu’il porte ou par les questions qu’il nous amène à nous poser, même si encore une fois, tout le monde n’a pas forcément cette lecture du jeu. L’intrusivité des nouvelles technologies que nous nourrissons et améliorons chaque jour, ce n’est pas seulement un fantasme probable pour l’humanité en 2084. Pour nous, génération plus ou moins connectée, ça existe déjà. En certes beaucoup moins poussé, mais ça existe déjà et nous ne nous en rendons parfois même pas compte… Nous n’avons ni Memorize, ni Sensen, mais nous avons les réseaux sociaux et tous les terminaux sur lesquels nous déversons des tranches de vie que tout le monde – amis comme parfaits inconnus peuvent observer et disséquer à loisir.
Pourtant, loin de se vouloir comme une charge sanglante contre ces réseaux et pratiques numériques, Remember Me laisse tout de même filtrer des éléments qui feront naître ou non certains questionnements chez les joueurs, qu’il s’agisse de la question de l’identité, de sa construction / déconstruction, ou – plus largement – de la faillibilité des souvenirs. Ça m’a interpelée de bien des manières et ça m’interpelle sans doute encore au moment où je boucle cet article…
Trois points forts de Remember Me
Nilin, le personnage principal
Nilin est solide et dotée d’un fort caractère, capable de réfléchir et de faire des choix sans aide extérieure (ou quasi). Les passages monologués et plus intimistes nous permettent de voir que derrière cette façade, Nilin est vulnérable, ne sait pas toujours si elle fait les bons choix et se retrouve confrontée aux mêmes doutes que n’importe quelle personne qui se trouverait dans sa situation. J’ai également apprécié de jouer un personnage féminin physiquement réaliste et – cerise sur le gâteau – métisse, ce qu’on a un peu de mal à trouver dans le paysage vidéoludique.
Le Memory Remix : call me God !
Chose que je n’avais encore jamais pu tester en jeu auparavant, Remember Me offre la possibilité de naviguer dans les souvenirs et de les modifier dans des phases de remix mémoriel. Ces phases de jeu amènent Nilin à agir sur un souvenir précis afin de produire un effet particulier dans la réalité. Les enjeux sont donc doubles, avec d’un côté le résultat qui est attendu dans le réel et celui qui est attendu dans le souvenir de la personne. Dit comme ça, ça a l’air encore une fois super complexe… mais toujours pas ! C’est intuitif et avec un peu de bon sens, on peut rapidement parvenir à ses fins dans ces phases de jeu.
Combo Lab – poutrages en série !
Le fait de pouvoir utiliser des combinaisons de coups entièrement paramétrables selon l’effet désiré est plutôt une bonne surprise et fait en sorte que – contrairement à d’autres jeux – les nombreux combats ne se résument pas à faire tout et n’importe quoi de manière répétitive pour terrasser son ennemi. Malheureusement, le combat gagne cruellement en complexité à cause des placements de caméra pas toujours compréhensibles donnant parfois l’impression que cette dernière vivait sa vie indépendamment des déplacements de Nilin, qui finit tantôt dans un angle mort, derrière un poteau ou cernée de Leapers (ce que je ne souhaite à personne).
De l’esthétisme (ou 150 morts inutiles pour tout observer)
Qu’il s’agisse de monuments comme Notre-Dame ou le Sacré-Coeur, de bâtiments futuristes ou de simples graffitis, il y avait toujours quelque chose à observer pour peu que l’on ait envie de regarder, d’apprécier l’environnement.
Pour peu que l’on sache observer, il y avait plein d’éléments à repérer dans le décors, qu’il s’agisse de clin d’oeil à notre époque ou à d’autres plus anciennes (je pense notamment aux affiches style cabaret très 50’s, dans le métro); autant d’éléments qui contribuent à donner de la substance et de la tangibilité à ce Paris du futur. Plus que des bâtiments sexy ou des robots volants, c’est un monde conçu jusque dans les plus petits détails qu’on nous met sous les yeux. Et ça claque !
Expérience de jeu de Remember Me
Impossible de ne pas évoquer les balises oranges indiquant le chemin et l’effet tunnel qui sont tous deux présents tout au long du jeu. Explorer Néo-Paris ? Seulement dans les zones « autorisées » que l’on doit traverser pour progresser ; pour le reste, c’est à oublier. Malgré tout, cette sensation de remonter un couloir étroit disparaît au fur et à mesure. Certains niveaux parviennent même à laisser entendre qu’il est possible de s’égarer (je pense au passage dans les égouts, ou à la Bastille toute entière) si l’on s’y prend mal alors qu’il n’en est rien.
Et en progressant, on comprend assez facilement pourquoi un monde complètement ouvert aurait risqué de nous faire complètement perdre de vue l’histoire, qui est ici l’élément central.
Une OST vraiment surprenante !
La bande son du trailer officiel a été mon second point d’entrée dans le jeu et m’a intriguée au moins autant que le orange des visuels du jeu m’avait tapé dans l’oeil. Habile combinaison de l’enregistrement du Philarmonia Orchestra de Londres et de manipulations électroniques ou autres filtres et distorsions, la soundtrack du compositeur Olivier Derivière (Alone in the Dark, Assassin’s Creed 4: Freedom cry ou plus récemment Get Even et Greedfall) réussit l’habile pari de détonner tout en collant impeccablement au propos de Remember Me, accompagnant le joueur dans sa progression au fil des niveaux. Conceptuellement ça paraît tout de suite un peu fou, mais le résultat reste très naturel – ou suffisamment pour qu’on ait l’impression d’avoir mal entendu au moment du glitch. Et c’est très fou. Complètement.
Et quand on ajoute à tout ça le fait que la musique ne se contente pas seulement d’être un bruit de fond mais accompagne réellement l’évolution et les actions de Nilin (je pense aux phases de combat, qui réservent de bonnes surprises à ceux qui maîtrisent leurs combos, héhé), c’est juste… impressionnant, autant dans le processus de création que dans la mise en place parce qu’au final, on ne sait plus trop si la musique découle de l’univers ou l’inverse tant les deux sont liés. Magnifique !
Le mot de la fin ?
Avec des nouveautés hautement appréciable niveau gameplay (Memory Remix et combos personnalisables qui sont une véritable bouffée d’air frais), une direction artistique pensée jusqu’aux petits détails (et qui claque !), une écriture intelligente et soignée livrant un protagoniste crédible et humain, et une bande son absolument MAGIQUE, Remember Me est la grosse surprise de 2013 dans la catégorie des jeux vraiment originaux (donc ni reboot, ni sequel, ni prequel… ou autre) !
J’ai également beaucoup apprécié les jeux sur les symboles, tant dans le design qu’au niveau de la narration, le premier expliquant le second et inversement, avec un gros soutien de la part de la bande originale. Remember Me est un très beau tout qui n’est pas seulement une petite pépite visuelle… mais une pépite tout court.