Déjà très jeune et bien avant Farscape, je suivais beaucoup de séries et regardais beaucoup de films traitant de science-fiction, d’extraterrestres et de gadgets technologiques aux propriétés hallucinantes. Si j’évacue d’emblée les séries sans réel scénario crédible ou avec un casting en carton (Andromea, Cleopatra 2525… et beaucoup trop d’autres *soupir*), ma soif de peuples extraterrestres crédibles avec leurs coutûmes et leurs looks folkloriques n’était assouvie que par Stargate (et dans une moindre mesure, Babylon 5) qui promettait de nous emmener chaque semaine à la découverte d’une nouvelle planète.
Si le dépaysement a été total durant les premiers épisodes, j’ai vite fini par me lasser de voir défiler un peu trop systématiquement des humanoïdes avec des postiches en latex (nez, oreilles, cornes…) pas toujours très heureux, un peu comme si un extraterrestre dans une série de science-fiction devait forcément avoir un corps humain et parler anglais… Où étaient donc les extraterrestres qu’on nous avait promis au départ ? Pour ces deux séries, ils n’étaient qu’un prétexte, un élément du décors parmi tant d’autres, et étaient interchangeables à volonté malgré de gros budgets de production.
Le pitch de Farscape promettait à peu près la même chose que celui de Stargate, du coup j’étais quand même assez sceptique et n’ai commencé à regarder la série sans trop savoir si l’épisode que j’attaquais était le premier ou le cinquantième, grâce à une diffusion assez anarchique made in Série Club (= on diffuse les épisodes par 12 le mercredi après-midi, mais surtout pas dans le bon ordre sinon c’est pas marrant). Mais là, surprise: le seul personnage humain est John Chrichton (Ben Browder) et tous les autres personnages sont véritablement extraterrestres, et d’un genre particulièrement… euh… particulier. Côté ambiance, regarder Farscape c’est se préparer à regarder à la fois une série d’aventure, une romance, un drame… et une comédie (oui oui !)
Après avoir été aspiré par un vortex, John Chrichton – la minorité humaine de la série – se retrouve sur un vaisseau spatial vivant peuplé d’extraterrestres hors-la-loi venant tout juste de s’échapper. John se retrouve face à des créatures qu’il est incapable de comprendre et les scénaristes nous montrent dès les premières scènes à bord du vaisseau pourquoi toutes les races extraterrestres parviennent à se comprendre malgré des langues et des origines différentes: des germes traducteurs sont inoculés dès la naissance, et dans la mesure où John vient d’ailleurs, cette dose de germes lui est inoculée par les DRD, des mini-robots qui circulent en permanence dans le vaisseau (un Léviathan vivant) et qui font office de mécaniciens / anticorps.
D’entrée de jeu, j’ai accroché au concept, et encore davantage lorsque le passé de chaque personnage se dévoilait au fil des épisodes. Aucun d’eux n’était qu’un simple faire-valoir en costume, sacrifiable à tout moment pour peu que cela rende service au héros de la série, et nombreux ont été les épisodes où les situations dangereuses se seraient soldées par la mort de tout l’équipage s’il n’y avait eu l’intervention de l’un de ces personnages supposés secondaires. L’humain ne s’impose pas comme un « protecteur et sauveur de l’univers » comme dans beaucoup de séries de SF; bien au contraire, John reste longtemps perçu comme un primitif source d’ennuis et de désagréments…
Chacun appartient à un peuple différent, auquel les scénaristes ont pris le temps de concevoir et d’illustrer tout ce qui pouvait leur donner de la consistance – histoire, spiritualité, techniques de combat, alignement géopolitique, vocabulaire… – à l’écran. Ainsi, si l’on se souvient du célèbre « Frak » de Battlestar Galactica, Farscape a apporté son lot de mots et d’insultes aussi imagés que pittoresques propres à chaque peuple extraterrestre visible à l’écran. Si la plupart des extraterrestres sont incarnés par des acteurs, deux des personnages principaux sont en réalité des marionnettes réalisées par le Jim Henson’s Creature shop, à qui l’on doit notamment l’ensemble des marionnettes du Muppet Show.
Hommage au space opera des années 70’s, Farscape se veut politiquement incorrecte et résolument anticonformiste par bien des aspects. Les scénaristes bouleversent les codes du genre et brouillent les pistes, nous présentant des héros détestables et des méchants compréhensibles, et c’est bien là à mon sens que réside toute la force de la série: dépasser les archétypes, sortir du « oui mais c’est une série de SF, on DOIT faire comme ça » et proposer au final des personnages avec des caractères et des alignements que l’on pourrait être amenés à croiser dans la vie de tous les jours (costumes et maquillages mis à part).
Véritable perle aux dialogues envolés et ciselés avec une précision quasi chirurgicale, Farscape est incroyablement bien filmée et racontée. Associé au travail sur les costumes et à une mise en scène juste parfaite, la série a beaucoup séduit de par les thèmes qu’elle abordait. Qu’il s’agisse de la liberté, de l’amour, de l’amitié ou – pour le côté plus sombre – de la rédemption, de la vengeance et de la rancœur, tout était dépeint à la perfection. Que des personnages inventés de toute pièce, placés devant des fonds verts et entourés d’effets spéciaux complètement cheap puissent susciter autant d’émotions chez les téléspectateurs n’est en rien étonnant quand on considère le soin apporté à leur écriture. Devant Farscape, j’ai ri aux éclats, sursauté et pleuré toutes les larmes de mon corps.
On en arrive au point de détail le plus rageant concernant Farscape: son annulation par Sci-Fi alors qu’un accord existait avec les producteurs pour l’écriture et le financement d’une cinquième saison de la série. En cause – bien évidemment – les audiences de la série en baisse depuis le début de la troisième saison, pour un final de saison 4 suivi par 1.545 millions de téléspectateurs… un chiffre intolérable pour les responsables de la chaîne dont le nombre d’abonnés ne cessait d’augmenter. Beaucoup de choses ont également été dîtes sur les coûts de production trop élevés de la série… Pour que ce paragraphe amer soit complet, on peut aussi évoquer le changement de case horaire de la série (passée de 21h à 22h sur la chaîne) dans l’espoir un peu utopique d’attirer de nouveaux téléspectateurs… ou de lui porter un coup fatal. Au final, quelles qu’aient pu être les véritables raisons de son annulation, Farscape a tiré sa révérence de manière un peu bâclée, à coup de scènes intercalées et de flashbacks ajoutés au montage final du dernier épisode qui s’achève par un cliffhanger absolument écœurant.
Comme c’est souvent le cas lorsque disparaît une série disposant d’une fanbase très large, les fans de Farscape se sont mobilisés comme jamais, créant des sites internet de sensibilisation, des fanzines, levant des fonds (jusqu’à acheter une couverture du magazine américain Variety) pour s’assurer que leur série préférée ait une cinquième saison ou – au moins – ait une vraie fin. Des efforts loin d’être vains (contrairement à d’autres séries de science fiction moins chanceuses comme Firefly pour n’en citer qu’une), puisque deux téléfilms intitulés the Peacekeeper Wars furent produits et diffusés en 2004.
Plusieurs comics virent également le jour, et un projet de webisodes fut annoncé pour le plus grand bonheur des fans… avant de tomber dans l’oubli suite à la grève des scénaristes de 2008. Un projet de spin off sur grand écran a été évoqué début 2014 et le producteur exécutif de la série aurait écrit un scénario qui se situerait dans le prolongement dans la série dans lequel il serait question du fils caché (c’est tellement commode !) de John et Aeryn dissimulé sur Terre du fait de ses pouvoirs. Il ne s’agit pour l’instant que d’une rumeur, mais placé entre les mains de personnes connaissant l’univers de la série et avec une histoire solide, le résultat pourrait être intéressant… !
Comme beaucoup, je suis tombée par hasard sur le petit bijou de science-fiction qu’est Farscape. J’a beaucoup ri, j’ai eu peur pour mes personnages préférés et j’ai aussi copieusement pleuré quand je ne supportais plus la charge émotionnelle de ce que je voyais. Farscape, très clairement, n’est pas une série qui convaincra les amateurs d’effets spéciaux de dernière génération. Elle ne convaincra pas non plus ceux qui préfèrent une forme et une cinématographie chiadée au détriment d’un scénario ou de la construction de personnages crédibles. Si vous vous reconnaissez dans ce descriptif, Farscape n’est pas une série pour vous, les effets spéciaux vous décevront et l’absence de scènes contemplatives esthétiquement belles mais narrativement inutiles vous irriteront profondément…
Si au contraire, votre esprit est suffisamment ouvert pour prendre en compte le fait que la série ait débuté en 1999 et que l’écriture des personnages et le déploiement cet univers unique sont suffisamment soignés et originaux pour éclipser les quelques petits défauts de la série, alors Farscape est une série qui peut potentiellement vous séduire pour son côté anticonformiste, son ton impertinent et pour la justesse avec laquelle sont abordés des thèmes qui nous permettent de nous retrouver dans chacun des personnages présents dans cette odyssée épique.
Article originellement publié sur britishg3eks.net .